Eysines (33) : le libertinage jusqu’au petit matin

31 Oct 2017 | Par Moderatrice

  • Eysines (33) : le libertinage jusqu’au petit matinRémy, gérant du 113 Avenue, à Eysines, dernier club libertin ouvert en Gironde. GUILLAUME BONNAUD
  • Le lieu annonce de chaudes soirées le week-end. 113 AVENUE

Le 113 Avenue, à Eysines, a ouvert ses portes en mai. Temple dédié aux rencontres charnelles, le club libertin se veut moderne et loin des clichés

Après l’échangeur, les échangistes. Quelque part dans une zone industrielle d’Eysines, entre rocade et nationale : c’est ici que se dresse le 113 Avenue, dernier-né des clubs libertins de Gironde. Il faut trouver, se garer dans le vaste parking, et ne pas craindre le portier taquin, qui aime singer les gorilles.

Le maître des lieux Rémy (1) accueille le visiteur, feutre sur crâne ras, poignée chaleureuse : visiblement, un homme de contact. En mai, il a ouvert cette discothèque dans les anciens locaux d’un constructeur. Car si le bâtiment vacille, le libertinage reprendrait du poil de la bête. Reste à voir à quoi ressemble la branche locale de cette tribu spéciale, inépuisable machine à fantasmes.

On entre et on constate qu’on n’est pas chez Valmont et Merteuil. Plutôt dans un dancing moderne où s’ébrouent sagement quatre ou cinq dizaines de quadras confirmés – l’âge moyen à vue d’œil. C’est la formule « apéro libertin » du jeudi. « Mais le samedi, on fait facilement 200 personnes. »

Côté look, le dress code proscrit baskets et jeans, et recommande une élégance suggestive pour les dames. Plongeants décolletés, bas résilles, minijupes au ras et bustiers cuir : tout ça se porte sans complexe et finira sur la piste. Les hommes font moins d’efforts et préfèrent le comptoir.

Le tour du propriétaire. Béton ciré et acier, murs froids et lumières chaudes, un DJ qui passe l’electro pop du moment. « On répond à la demande. Fini les boîtes kitsch façon années 80. Ici, on est en 2015 », assure Rémy, qui a « sollicité le patrimoine familial » pour monter cette affaire sur 500 mètres carrés.

Jusque-là, pas de quoi promettre le grand soir. On passe donc au « coin câlin » du club, celui qui justifie l’épithète libertine. Un dédale de couloirs en rouge et noir avec accès handicapés, toilettes plus vastes qu’un studio et une douzaine de chambres à thème. Celle qui ferme, celle qui ne ferme pas, avec miroirs, avec très grand lit, avec cordes, chambre aveugle dite backroom remplie de sombres promesses. Serviettes, gel, préservatifs à gogo et toujours, près du matelas en skaï, un spray bactéricide : Rémy a aussi bétonné le volet hygiène-prévention. Il annonce pour bientôt « 600 mètres carrés de sauna ».

« Je suis né libertin. C’était en moi », raconte l’hôte, qui confesse 46 ans dont trente ans de pratique, et précise : « Marié, amoureux, deux enfants ». Il a aussi tâté de la restauration, fondé et cogéré le sauna Le Différent, aux Chartrons. Il introduit ensuite le voyageur auprès d’un cénacle d’affranchis. Car ici, on serait chez les gardiens du temple. Ceux qui ont changé la façade mais pas le rituel, ni le catéchisme. Ils le résument : « Liberté, respect, courtoisie, discrétion ».

« Dans une boîte classique, une femme peut recevoir une main au c… Ici, ça n’arrive jamais », dit Didier, un habitué, également ethnologue de comptoir, qui détaille pour le touriste la revue des troupes libertines. La piétaille des curieux, débutants en goguette. Les couples « Côte-à-côtistes », qui ne se mélangent pas, à l’inverse des « Mélangistes » qui communient, mais moins profondément que les « Échangistes ». La variante raffinée des « Caudalistes », qui savent jouir de la perte de l’être aimé.

Et aussi les voyeurs, exhibitionnistes, fétichistes, adeptes du triolisme, du bondage, des pratiques SM ou autres gang bang. Ici, l’orientation majoritaire est hétéro, mais le libertinage ne s’interdirait aucune figure. Il se veut parcours, chemin intime vers le collectif. « J’ai connu des côte-à-côtistes qui sont devenus échangistes au taquet », relève Fredo, le barman, dans la partie depuis vingt ans. Il rassure : « Ma mère est au courant ».

On évoque les autres clubs, que chacun connaît. On dessine une tribu, des Chartrons à Cestas, de Biarritz à Saint-Jean-d’Angély. Et les nouveaux entrants ? « Le libertinage se pratique surtout en couple, il demande de la maturité. Mais il y a un vrai renouvellement », assure Rémy. Une génération décomplexée, nourrie d’Internet X, webcam et sites de rencontres discrètes, mais qui reviendrait vers l’artisanal, la grande famille.

Sur ce chapitre, Patrick, un vieux de la vieille, a des réserves. Il a vu dans un club bordelais l’obscénité ultime. « Deux mecs en jogging et basket ! Et qui touchaient sans demander. » « On est là pour leur donner les codes », dit Rémy, qui se veut plus pédagogue que commerçant.

À sa porte, il ne refuse personne par principe. Ceux qui entrent paieront, selon les soirs, 30 à 50 euros pour les hommes isolés, 15 à 50 euros pour les couples. Gratuit pour la femme seule. Une denrée rare ? « Pas forcément. » On se tourne vers Sandrine, gironde trentenaire, venue en solo. Elle raconte qu’elle a aussi ses habitudes dans un sauna des Chartrons, où elle « aime se relaxer ». « Ça demande un peu de courage au début, mais c’est tout bénef. Chez les libertins, en principe, c’est la femme qui choisit. »

On s’excite un peu sur la piste, où une habituée joue avec la barre. « Le samedi, à cette heure, elle est déjà à poil », dit Fredo. Et maintenant ? Le barman résume. « Certains vont se trémousser un peu. Quelques-uns vont aller dans les boîtes à câlins. Et à 2 heures, tout le monde est parti : demain, y a école. »

www.113-avenue.fr

(1) Hormis celui du gérant, tous les prénoms ont été modifiés.

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